LES FAITS
Émission matinale diffusée de 5 h 30 à 10 h du lundi au vendredi à l’antenne de la station de musique rock CFNY-FM (102.1 The Edge, Toronto), le Dean Blundell Show est animée par Dean Blundell, Todd Shapiro et Derek Welsman. On y présente les nouvelles, des mises à jour sur la circulation routière et la météo, des chansons et des plaisanteries entre les animateurs, et aussi une séquence récurrente intitulée « The Edge Files » dans laquelle M. Blundell lit ou relate des histoires loufoques, inédites ou dégoûtantes tirées de l’actualité pour ensuite faire des commentaires à leur sujet de concert avec ses coanimateurs.
Un auditeur s’est plaint au CCNR des séquences de « Edge Files » qui ont été diffusées les 22 et 26 juillet 2011. Les animateurs avaient discuté, aux dates indiquées, des faits divers suivants : une femme accusée d’avoir montré des photos obscènes à ces jeunes fils; un couple qui avait enfermé leurs enfants autistes dans une cage; une femme qui avait tué un chat afin de se confectionner un costume orné de fourrure pour assister à un concert de Lady Gaga; un homme qui s’est montré nu à la fenêtre de sa chambre d’hôtel; et un couple qui s’est livré à un jeu sexuel comportant la quasi-asphyxie. M. Blundell et ses coanimateurs ont fait des blagues ou des réflexions sarcastiques au sujet de chaque cas. (La transcription intégrale des deux séquences se trouve à l’Annexe A en anglais seulement).
Dans sa lettre du 29 juillet le plaignant a dit que la seule raison pour laquelle il avait entendu le contenu en cause était parce que son centre de conditionnement physique avait syntonisé la station. Il a caractérisé le contenu [traduction] d’« offensant » et a ajouté qu’il était [traduction] « surpris de constater que ce genre d’émission puisse passer sur les ondes canadiennes » (le texte intégral de la plainte et de toute la correspondance s’y rapportant se trouve à l’Annexe B en anglais seulement). Un responsable de The Edge a répondu au plaignant le 17 août en lui disant qu’il convient que [traduction] « le contenu des faits divers présentés dans l’émission était répréhensible, mais c’était l’intention des animateurs – en fait la prémisse sur laquelle repose l’émission – de tourner une histoire absurde en absurdité totale par des commentaires ridicules. » Il a également fait valoir que les radiodiffuseurs ont le droit d’aborder des sujets qui portent à controverse. Le plaignant a déposé une demande de décision le 24 août en faisant valoir qu’à son avis la station semblait [traduction] « justifier pour ainsi dire n’importe quelle émission à condition qu’elle puisse être qualifiée de “comique” ou de “controversée” ». Il a ajouté que [traduction] « C’est simplement une excuse pour dire des saloperies en ondes tout en affectant de viser un but plus noble. »
LA DÉCISION
Le Comité régional de l’Ontario du CCNR a étudié la plainte à la lumière des dispositions suivantes des Codes de l’Association canadienne des radiodiffuseurs (ACR), notamment le Code de déontologie, le Code sur la représentation équitable et le Code concernant la violence :
Code de déontologie de l’ACR, Article 1 – Programmation en général
Compte tenu des goûts divers du public, il incombe aux radiotélédiffuseurs de varier la programmation des diverses stations, réseaux et services de telle sorte que, dans la mesure du possible, toutes les catégories d’auditeurs et de téléspectateurs trouvent dans tous ces services une certaine partie de la programmation qui répond à leurs préférences et vœux spéciaux.
Code de déontologie de l’ACR, Article 2 – Droits de la personne
Reconnaissant que tous et chacun ont droit à la reconnaissance complète et égale de leurs mérites et de jouir de certains droits et libertés fondamentaux, les radiotélédiffuseurs doivent veiller à ce que leur programmation ne renferme pas de contenu ou de commentaires abusifs ou indûment discriminatoires quant à la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, l’âge, le sexe, l’orientation sexuelle, l’état matrimonial ou le handicap physique ou mental.
Code de déontologie de l’ACR, Article 6 – Présentation complète, juste et appropriée
C’est un fait reconnu que la tâche première et fondamentale de chaque radiotélédiffuseur est de présenter des nouvelles, des points de vue, des commentaires ou des textes éditoriaux d’une manière complète, juste et appropriée. Ce principe s’applique à toute la programmation de la radio et de la télévision, qu’il s’agisse des nouvelles, des affaires publiques, d’un magazine, d’une émission-débat, d’une émission téléphonique, d’entrevues ou d’autres formules de radiotélévision dans lesquelles des nouvelles, des points de vue, des commentaires ou des éditoriaux peuvent être exprimés par les employés du radiotélédiffuseur, leurs invités ou leurs interlocuteurs.
Code de déontologie de l’ACR, Article 9 – Radiodiffusion
Reconnaissant que la radio est un média local et qu’il reflète par conséquent les normes de la collectivité desservie, les émissions diffusées aux ondes d’une station de radio locale doivent tenir compte de l’accès généralement reconnu à la programmation qui est disponible sur le marché, de la répartition démographique de l’auditoire de la station et de la formule empruntée par la station. Dans ce contexte, les radiodiffuseurs prendront un soin particulier de veiller à ce que les émissions diffusées à l’antenne de leurs stations ne comprennent pas :
Les radiodiffuseurs doivent éviter de sexualiser les enfants dans les émissions.
Code de l’ACR concernant la violence, Article 8.0 – Violence contre des groupes particuliers8.1 Les télédiffuseurs ne doivent pas présenter d'émissions qui endossent, encouragent ou glorifient la violence commise en raison de la race, de l'origine nationale ou ethnique, de la couleur, de la religion, du sexe, de l'orientation sexuelle, de l'âge ou d'un handicap mental ou physique.
Code de l’ACR concernant la violence, Article 9.0 – Violence contre les animaux
9.1 Les télédiffuseurs ne doivent pas diffuser d'émissions qui endossent, encouragent ou glorifient la violence contre les animaux.
Après avoir lu toute la correspondance afférente et écouté les séquences en cause, les membres du Comité ont conclu que la conversation concernant le chat martyrisé a violé l’alinéa 9 a) du Code de déontologie de l’ACR et l’article 9.1 du Code de l’ACR concernant la violence, mais que le reste du contenu n’a enfreint aucune des autres dispositions précitées.
Le 22 juillet 2011, Dean Blundell et ses coanimateurs, Todd Shapiro et Derek Welsman ont retenu trois faits divers dans l’actualité et les ont commentés dans leur style grinçant.
La première histoire portait sur l’arrestation et la mise en accusation d’une femme de 36 ans pour avoir montré du matériel obscène à ses fils, plus particulièrement des photos, stockées sur son ordinateur, la montrant alors qu’elle aurait pratiqué des attouchements de nature sexuelle avec des partenaires masculins. C’est le père qui a dénoncé son ex-conjointe dont il est séparé. D’après un des enfants, après lui avoir montré les photos, sa mère lui aurait demandé : [traduction] « Veux-tu essayer ça quand tu seras plus grand? », et elle lui aurait en même temps caressé l’intérieur de la cuisse. La mère aurait nié les accusations et prétendu que son ex-mari lui avait affirmé qu’il ferait en sorte qu’elle ne voie plus jamais ses enfants.
Comme tel, ce fait divers ne soulève aucun problème de violation des codes car il n’y a pas eu de description explicite d’actes sexuels entre adultes ou de description, explicite ou non, d’actes sexuels impliquant des enfants. Cependant, le ton lascif, imitant soi-disant la mère, utilisé par l’un des animateurs pour décrire l’incident a pu choquer certains auditeurs.
Le Comité de l’Ontario est d’avis que les commentaires et surtout le ton de voix utilisé par l’animateur dénotaient un sérieux manque de goût mais qu’ils ne constituaient pas une violation de l’alinéa 9 b) du Code de déontologie de l’ACR[1] ou de l’alinéa 8 b) du Code de l’ACR sur la représentation équitable.[2]
Le deuxième fait divers qui a attiré l’attention et les commentaires du trio d’animateurs ce matin-là traitait de l’arrestation d’un couple de Vancouver qui aurait séquestré deux de leurs enfants, deux jeunes garçons autistes de 5 et 7 ans, dans une pièce munie de barreaux à la porte et à la fenêtre, comme s’ils étaient en cage. Les animateurs se sont esclaffés suggérant, sur un ton sarcastique, que c’était peut-être là une façon normale de traiter les enfants autistes, pour les empêcher de courir partout. À un certain moment M. Blundell a dit, feignant d’imiter la mère, [traduction] « Qu’est-ce que je dois faire? Ils sont autistes. Il faut les mettre en cage » et son faire-valoir, M. Shapiro, d’ajouter [traduction] « Ils sont comme des chiens ces gens-là » avant d’éclater de rire tous les deux. Quelques instants plus tard M. Blundell ajoute, feignant encore d’imiter la mère, [traduction] « Qu’est-ce que je suis supposée faire, les laisser courir partout et profiter de la vie? Vous êtes fous ou quoi? » Ce sur quoi M. Shapiro ajoute, imitant lui aussi la mère [traduction] « J’suis bien trop grosse pour leur courir après ».
Le Comité de l’Ontario a conclu que les animateurs avaient fait montre d’une ignorance crasse et d’un profond mauvais goût envers les petites victimes innocentes de cette sordide histoire mais que, bien que leur attitude soit déplorable, ils n’avaient pas poussé le sarcasme jusqu’à violer les dispositions de l’alinéa 9 a) du Code de déontologie de l’ACR qui interdit, entre autres, aux radiodiffuseurs de faire l’apologie de la violence envers qui que ce soit en ondes ni celles de l’article 8.0 du Code de l’ACR concernant la violence qui interdit la glorification de la violence commise en raison de l’âge.[3]
Quant au troisième fait divers commenté par les trois animateurs au matin du 22 juillet, il avait trait à des accusations portées contre une jeune femme de 20 ans qui aurait écorché vif le chat de la famille, âgé de 15 ans, afin de se faire une parure de fourrure pour assister à un concert de Lady Gaga. Les trois animateurs s’en sont donné à cœur joie dans la description scabreuse de l’accoutrement de la jeune femme, expliquant avec force détails comment elle aurait tué puis débité la pauvre bête et ce qu’elle avait fait des différentes parties de l’animal, tout en rigolant de l’incident.
Le Comité régional de l’Ontario a conclu qu’en raison du ton utilisé par les animateurs, de la pléthore de détails scabreux et gratuits dont ils ont fait état en ondes et du sensationnalisme qu’ils ont voulu donné à l’évènement ils ont violé l’alinéa 9 a) du Code de déontologie de l’ACR qui interdit aux radiodiffuseurs de faire l’apologie de la violence sous quelque forme que ce soit en ondes.[4] Le Comité a également conclu que les animateurs ont violé les dispositions de l’article 9.1 du Code de l’ACR concernant la violence qui interdit « la diffusion d’émissions qui endossent, encouragent ou glorifient la violence contre les animaux ».[5]
Le 26 juillet les trois animateurs ont entrepris de commenter trois autres incidents. Le premier aurait eu lieu lors d’un mariage. Un individu de 43 ans se serait montré flambant nu à la fenêtre de sa chambre située au 4e étage d’un hôtel, surplombant une cour intérieure où on célébrait un mariage. Il aurait déféqué et se serait masturbé devant les gens rassemblés dans la cour intérieure pour le mariage. Les animateurs ont fait part à leur auditoire, en rigolant, de leur théorie sur le comportement de l’homme en question : était-il soûl ? Avait-on oublié de l’inviter à la noce ?
Bien que le Comité ait trouvé que toute cette discussion témoignait de l’absence totale de goût des animateurs, il en est venu à la conclusion que ces commentaires n’étaient pas sexuellement explicites et qu’en conséquence il n’y avait pas eu violation de l’alinéa 9 b) du Code de déontologie de l’ACR.[6]
Le deuxième incident repris et commenté par les animateurs le 26 juillet portait sur l’histoire d’un individu de 34 ans qui a été mis sous arrêt après qu’il se soit retrouvé, ne portant qu’un caleçon, dans le lit d’une adolescente un dimanche matin. La veille au soir, soûl et sous l’emprise de la drogue il aurait parcouru, à pied, les six milles le séparant de la ville voisine pour s’écrouler, à demi-nu, dans le lit d’une jeune fille, croyant être chez lui. Les animateurs ont fait des gorges chaudes à propos de l’incident, mais le Comité a conclu qu’il n’y a eu aucune violation de quelque disposition des codes.
Finalement les animateurs ont fait état de l’arrestation d’un sans-abri qui aurait célébré la remise en liberté de sa petite amie en pratiquant l’amour oral avec elle tout en l’étouffant avec un oreiller. Se rendant compte qu’elle ne respirait plus, le sans-abri aurait lui-même alerté les autorités en composant le 911. Il aurait expliqué à la police qu’après s’être défoncés avec toute sorte de drogues la dame en question et lui auraient tenté une expérience sexuelle comportant l’asphyxie partielle du ou de la partenaire. L’expérience aurait mal tourné mais la dame s’en serait tout de même tirée. Bien que les animateurs aient décrit l’incident d’un ton badin en y ajoutant des détails de leur cru, le Comité a conclu qu’il n’y avait pas eu violation de l’alinéa 9 b) du Code de déontologie de l’ACR concernant le contenu sexuellement explicite.[7]
Réceptivité du radiodiffuseur
Dans toutes les décisions rendues par le CCNR, ses comités évaluent la mesure dans laquelle le radiodiffuseur s’est montré réceptif envers le plaignant. Bien que le radiodiffuseur ne soit certes pas obligé de partager l’opinion du plaignant, sa réponse doit être courtoise, bien réfléchie et complète. Dans la présente affaire, CFNY-FM a répondu au plaignant en lui donnant une explication complète de sa position sur les séquences en cause. Le radiodiffuseur a donc respecté son obligation de se montrer réceptif. Rien de plus n’est exigé de sa part dans ce cas-ci.
L’Annonce de la dÉcision
CFNY-FM est tenue 1) de faire connaître la présente décision selon les conditions suivantes : une fois pendant les heures de grande écoute dans un délai de trois jours suivant sa publication et une autre fois dans les sept jours suivant sa publication dans le créneau dans lequel elle a diffusé le Dean Blundell Show, mais pas le même jour que la première annonce obligatoire; 2) de fournir, dans les quatorze jours suivant la diffusion des deux annonces, une confirmation écrite de cette diffusion au plaignant qui a présenté la Demande de décision; et 3) d’envoyer au même moment au CCNR copie de cette confirmation accompagnée du fichier-témoin attestant la diffusion des deux annonces.
Le Conseil canadien des normes de la radiotélévision a jugé que CFNY-FM The Edge a violé le Code de déontologie et le Code concernant la violence de l’Association canadienne des radiodiffuseurs lorsqu’elle a diffusé « Edge Files » dans le cadre du Dean Blundell Show. L’émission du 22 juillet 2011 renfermait la description gratuite de la mise à mort d’un chat, enfreignant ainsi l’alinéa 9 a) du Code de déontologie et l’article 9.1 du Code concernant la violence lesquels interdisent les émissions de radio contenant de la violence gratuite et celles glorifiant la violence contre les animaux.
La présente décision devient un document public dès sa publication par le Conseil canadien des normes de la radiotélévision.
[1] Pour un autre exemple d’un reportage de nouvelles à caractère sexuel que le CCNR n’a pas jugé indûment sexuellement explicite en vertu de l’alinéa 9 b) du Code de déontologie de l’ACR, consulter CFWF-FM concernant des commentaires faits dans le cadre du Big Breakfast Show (Décision du CCNR 09/10-0726, rendue le 1er octobre 2010).
[2] Les décisions suivantes portent sur des exemples de contenu qui a effectivement sexualisé les enfants contrairement à l’alinéa 8 b) du Code de l’ACR sur la représentation équitable : CFNY-FM concernant des commentaires faits dans le cadre du Dean Blundell Show (fans de Justin Bieber) (Décision du CCNR 09/10-0333, rendue le 22 juin 2010) et CKIS-FM concernant des commentaires faits dans le Roz and Mocha Show (Décision du CCNR 09/10-1980, rendue le 12 novembre 2010).
[3] Pour d’autres exemples de commentaires faits en blaguant au sujet de la violence que le CCNR a conclu n’ont pas violé l’alinéa 9 a) du Code de déontologie de l’ACR, consulter les décisions suivantes : CFNY-FM concernant le Dean Blundell Show (abattage sélectif des chats) (Décision du CCNR 10/11-1344, rendue le 12 juillet 2011) et CHTZ-FM concernant The Biggs & Barr Show (Concours « The Evil that People Do » (Le mal que font les gens)) (Décision du CCNR 11/12-0042, rendue le 3 avril 2012).
[4] Pour un autre exemple du traitement comique de la violence que le CCNR a conclu a violé l’alinéa 9 a) du Code de déontologie de l’ACR, consulter CFNY-FM concernant le Dean Blundell Show (Meurtres au Mexique) (Décision du CCNR 11/12-0236, rendue le 19 avril 2012).
[5] Dans les décisions suivantes, le CCNR explique qu’il élargira la portée du Code de l’ACR concernant la violence pour englober la radio le cas échéant : CIOX-FM concernant la chanson « Boyz in the Hood » (Décision du CCNR 99/00-0619, rendue le 12 octobre 2000); CFNY-FM concernant le Dean Blundell Show (abattage sélectif des chats) (Décision du CCNR 10/11-1344, rendue le 12 juillet 2011); et CHTZ-FM concernant The Biggs & Barr Show (Concours « The Evil that People Do » (Le mal que font les gens)) (Décision du CCNR 11/12-0042, rendue le 3 avril 2012).
[6] Cf. la note en fin de texte 1.
[7] Cf. la note en fin de texte 1.