CTV News Channel et CITV-DT (Global Edmonton) concernant des reportages (politique de la BFC d’Edmonton relative aux chiens)

COMITE DÉCIDEUR ANGLOPHONE
Décision du CCNR 15/16-0673 et -0686
2016 CCNR 6
13 octobre 2016
A. Noël (présidente), D. Braun, D. Dobbie, J. Doobay, D. Ish, T. Porrello

LES FAITS

En janvier 2016, la base des Forces canadiennes (BFC) d’Edmonton a fait paraître des avis pour interdire l’accès aux chiens dans certains endroits de la BFC. Un sergent, pour qui son chien était un moyen de faire face à son état de stress post-traumatique (ESPT), a porté plainte au sujet de ces restrictions.

Les stations CTV News Channel et Global Edmonton (CITV-DT) ont toutes deux rapporté l’affaire. Leurs reportages comprenaient une entrevue avec le sergent Jeffrey Yetman. Celui-ci a décrit comment son chien Diego l’avait aidé à recouvrer sa confiance en lui-même, à surmonter sa crainte des foules et à améliorer sa qualité de vie en général à la suite d’un ESPT causé par ses périodes de service auprès de l’armée canadienne. Le sergent Yetman a expliqué qu’il craignait que le fait de n’avoir pas son chien à ses côtés en tout temps pouvait avoir sur lui, et sur d’autres qui, comme lui, souffraient d’ESPT, des répercussions négatives. Des séquences filmées le montraient en train d’évoluer avec son chien. Il y a eu également quelques déclarations des autorités militaires canadiennes qui disaient faire enquête à ce sujet. Les porte-paroles ont expliqué qu’on s’efforçait de trouver le juste équilibre entre l’intérêt des militaires qui ont un chien à des fins thérapeutiques et celui d’autres personnes, enfants ou adultes qui sont allergiques aux animaux ou ont la phobie des chiens. Durant les deux reportages, Diego était constamment désigné comme un « chien d’assistance ». (Une transcription et la description complète des reportages figurent dans l’annexe A, disponsible en anglais seulement.)

C’est cette désignation qui a provoqué la plainte d’un téléspectateur. Celui-ci a fait observer que le chien du sergent Yetman ne pouvait pas être décrit comme tel parce qu’il ne répondait pas à la définition de « chien d’assistance » dans la Loi sur les chiens d’assistance de l’Alberta. En vertu de cette loi, seuls les chiens entraînés par un centre d’entraînement accrédité par un certain organisme peuvent être considérés comme des chiens d’assistance et bénéficier à ce titre d’un accès illimité aux lieux publics. Les reportages expliquaient que Diego avait été formé par un centre d’entraînement qui n’était pas agréé par cet organisme, mais on a pu voir à l’écran des documents qui le désignaient comme « chien d’assistance » et indiquaient qu’il avait suivi diverses formations pour assister les victimes d’ESPT. Le plaignant a fait valoir toutefois qu’il n’y avait aucune preuve accessible au public pour démontrer que le centre d’entraînement qui avait formé Diego respectait des normes quelconques de certification.

Le plaignant a expliqué que la certification était importante parce que seul un entraînement approprié peut garantir qu’un chien d’assistance se comportera de façon sécuritaire dans un endroit public. Étant donné que le chien du sergent Yetman ne répondait pas à la définition juridique d’un « chien d’assistance », c’est le terme « chien de soutien affectif » ou son équivalent qui aurait dû être utilisé dans le reportage. D’après le plaignant, en appelant Diego un « chien d’assistance », les reportages donnaient, à tort, l’impression que la BFC d’Edmonton portait atteinte aux droits du sergent.

Le CTV News Channel a répondu que le terme « chien d’assistance » avait été employé, au sens familier plutôt qu’au sens juridique, pour désigner tout bonnement un chien qui fournit de l’assistance à son propriétaire. Les deux télédiffuseurs ont fait remarquer qu’il ressortait clairement des reportages qu’une bonne part de la controverse provenait du fait que le chien avait été entraîné par une entreprise qui n’était pas agréée. Global Edmonton a noté que son propre reportage avait souligné le manque de cohérence dans les normes qui régissent les chiens d’assistance, mais que la certification n’était pas à vrai dire le sujet des reportages.

Le plaignant a décelé un second problème dans le mot « vétéran » que les reportages de CTV avaient utilisé pour décrire le sergent Yetman. Selon lui, le sergent n’était pas un « vétéran » – bien qu’il ait été en période de transition de la vie militaire vers la vie civile – parce qu’il était encore en service actif au moment des reportages. Le plaignant a fait remarquer, preuves à l’appui, qu’Anciens combattants Canada se sert du terme « vétéran » pour désigner un ancien membre[1] des Forces armées canadiennes (FAC). CTV a rétorqué que le mot « vétéran » pouvait servir à désigner un membre actuel des FAC qui a pris part à des missions de combat.

Le plaignant n’a pas été satisfait des réponses de CTV News Channel et de Global Edmonton à propos des cinq différents bulletins de nouvelles qu’il mentionnait dans sa plainte. Il a déposé sa demande de décision pour les deux stations en mars 2016. (Le texte complet de toute la correspondance figure dans l’annexe B, disponible en anglais seulement.)


LA DÉCISION

Le comité décideur anglophone a étudié la plainte à la lumière des dispositions des articles suivants du Code de déontologie de l’Association canadienne des radiodiffuseurs (ACR) et du Code de déontologie de l’Association des services de nouvelles numériques et radiotélévisées du Canada (ASNNR) :

Code de déontologie de l’ACR, Article 5 – Nouvelles

(1) Il incombe aux radiotélédiffuseurs de présenter les nouvelles avec exactitude et impartialité. Ils doivent s’assurer que les dispositions qu’ils ont prises pour obtenir les nouvelles leur garantissent ce résultat. Ils doivent aussi faire en sorte que leurs émissions de nouvelles n’aient pas le caractère d’un éditorial.

Code de déontologie de l’ASNNR, Article 1 – Exactitude

Les journalistes des services électroniques fourniront une information précise, complète et juste concernant des événements et des enjeux importants d’actualité.

Les membres décideurs du comité ont lu toute la correspondance afférente et ont visionné les reportages en question. Le comité a conclu qu’aucun des reportages n’avait violé les dispositions du code énoncées ci-dessus.

Utilisation du terme veteran

Les membres du comité décideur anglophone ont été d’avis que la définition du mot veteran (vétéran) présentée par le plaignant était trop étroite dans le contexte des deux reportages. Les télédiffuseurs n’avaient aucune obligation de s’en tenir à la définition publiée par Anciens combattants Canada. Selon le comité, l’utilisation du mot veteran au sens large et plus familier qui figure dans le Shorter Oxford English Dictionary, où il est défini comme [traduction] « une personne qui a vieilli ou qui a longtemps servi dans l’armée ; un(e) ancien(ne) militaire ; n’importe quelle personne qui a servi sous les drapeaux » était suffisant dans les circonstances. Par conséquent, le comité décideur anglophone a conclu que l’utilisation du mot veteran, au sens large où il a été employé dans les reportages, n’enfreignait pas l’article 5 du Code de déontologie de l’ACR ni l’article 1 du Code de déontologie de l’ASNNR.

Utilisation du terme « chien d’assistance »

Tout en reconnaissant que « chien d’assistance » est un terme inexact si on tient compte de la Loi sur les chiens d’assistance de l’Alberta, la question que doit poser le CCNR est la suivante : cette inexactitude a-t-elle une incidence sur le récit ? Dans les diffusions en question, le sujet du reportage n’était pas la certification de Diego, mais bien les difficultés qu’éprouveraient les victimes d’ESPT face aux nouvelles restrictions sur les chiens.

Les membres du comité décideur ont estimé que les mots « chiens d’assistance » employés dans les deux reportages ne constituaient pas une représentation inexacte du problème auquel le sergent Yetman était confronté. La définition juridique à laquelle se réfère le plaignant, si elle avait été utilisée par les deux télédiffuseurs, n’aurait pas eu pour effet d’exposer plus clairement la situation vécue par le sergent Yetman.

Le comité décideur anglophone a conclu par conséquent que le terme « chien d’assistance » tel qu’utilisé par les deux télédiffuseurs dans leurs reportages ne violait pas l’article 5 du Code de déontologie de l’ACR ou l’article 1 du Code de déontologie de l’ASNNR[2].

Réceptivité du télédiffuseur

Dans toutes les décisions rendues par le CCNR, ses comités évaluent dans quelle mesure le radiodiffuseur s’est montré réceptif envers le plaignant. Bien que le radiodiffuseur ne soit certes pas obligé de partager l’opinion du plaignant, sa réponse doit être courtoise, réfléchie et complète. Dans la présente affaire, les stations CTV News Channel et Global Edmonton ont toutes deux fourni une réponse détaillée au plaignant, qui avait lui-même présenté des plaintes très détaillées, reposant sur une solide documentation. Même si elles n’ont pas réussi à convaincre le plaignant, les stations ont traité toutes deux de façon pertinente les motifs de sa plainte. Ces télédiffuseurs ayant rempli leur obligation de se montrer réceptifs, il n’y a pas lieu d’en exiger davantage de leur part.

La présente décision devient un document public dès sa publication par le Conseil canadien des normes de la radiotélévision.

[1] « tout ancien membre des Forces armées canadiennes libéré avec mention honorable qui a réussi son entraînement de base est un ancien combattant, ou un vétéran »

[2] Voir les autres décisions du CCNR qui ont trait à l’exactitude de la terminologie : CHAN-TV concernant un bulletin de nouvelles (Société de recyclage) (Décision CCNR 96/97-0004, 10 mars 1997); CITV-TV concernant You Paid For It! (Immigration) (Décision CCNR 95/96-0088, 16 décembre 1997); CTV concernant un reportage (alarmes de CO) (Décision CCNR 98/99-0475, 19 novembre 1999); CIII-TV (Global Ontario) concernant des reportages de Global News (« Danger aux Falaises ») (Décision CCNR 05/06-0500, 18 mai 2006); CTV Newsnet concernant deux reportages intitulés « Mesures antiterroristes rejetées au vote » (Décision CCNR 06/07-0745, 29 novembre 2007); Global concernant un reportage diffusé dans le cadre de Global National (« Expulsion différée ») et CIVT-TV (CTV British Columbia) concernant un reportage diffusé dans le cadre de CTV News at Six (Décision CCNR 07/08-1136 et -1135, 7 et 19 août 2008); CKWX-AM concernant des reportages au sujet de SkyTrain (Décision CCNR 06/07-1127, 19 août 2008); CIVT-TV (CTV British Columbia) concernant des reportages diffusés dans le cadre de CTV News at 11:30 (costumes en fourrure de loup-marin et déversement de pétrole) (Décision CCNR 08/09-1660, 24 septembre 2009); CKCO-DT (CTV Kitchener) concernant un reportage diffusé à CTV News at Six (Conversation inconvenante) (Décision CCNR 14/15-1508, 7 avril 2016).