CJOH-DT (CTV Ottawa) concernant un reportage de CTV National News (patrouille à la frontière américaine)

Comité décideur anglophone
Décision CCNR 20.2122-0142
2022 CCNR 2
9 mars 2022
S. Courtemanche (Présidente), M. Ille, D. Proctor, T. Rajan, E. Thomas, J. Tiessen, R. Waksman

LES FAITS

Le 22septembre 2021, le téléjournal de 22h de CTV National News a diffusé un reportage sur la police aux frontières des États-Unis. La chef d’antenne, Lisa Laflamme, a accompagné la présentation de ce segment de nouvelles lancé à 22 h 14 du commentaire ci-dessous.

[Traduction]

La crise humanitaire qui se déroule à la frontière des É.-U. et du Mexique s’aggrave de jour en jour pour les milliers de migrants haïtiens qui vivent sous un pont depuis plus d’une semaine. Ce soir, de nouvelles vidéos effrayantes montrent des agents à cheval de la police aux frontières qui chargent des migrants en se servant de leurs rênes comme de fouets. Un reportage de Tom Walters, CTV.

L’image au-dessus de l’épaule de Lisa Laflamme montre une patrouille de trois policiers à cheval au bord de l’eau et un homme debout dans l’eau. Commence alors le reportage de Tom Walters.

[Traduction]

Tom Walters : Comme le pont au-dessus, ce campement sordide se trouve entre deux destinations [vue aérienne du campement]. D’un côté, un avenir plein d’espoir [images d’une mère et de son bébé assis dans le campement]. De l’autre, un passé sinistre [images de migrants marchant dans l’eau]. Mais ici, les migrants ignorent le sort qui les attend [images de familles assises dans le campement]. Plus d’un millier de personnes renvoyées par avion au désespoir qu’elles avaient laissées derrière elles en Haïti, un pays que beaucoup d’entre elles avaient abandonné il y a des années, se bousculent pour ramasser les sacs en plastique jetés sur le tarmac contenant leurs maigres possessions [images de nombreux Haïtiens s’affairant autour d’un avion, fouillant des sacs en plastique sur le tarmac]. Un groupe a voulu prendre d’assaut un avion pour forcer son retour vers les É.-U. [images d’Haïtiens encerclant un avion]. Darni et Etude Seville ont quitté Haïti après le tremblement de terre de 2010 et ils savent que le pays n’est pas encore un endroit où il fait bon vivre.

Entrevue avec les Seville : Terrible. Non. Des gamins partout dans les rues. Des gens avec des fusils.

Tom Walters : Mais les Seville quittent le campement de Del Rio avec de la chance [images de gens faisant la queue près des bus et d’autres qui descendent des bus]. Comme des milliers d’autres personnes, ils seront emmenés en bus vers d’autres points d’entrée où ils pourront faire une demande d’asile. Plusieurs de ces migrants – on ignore combien exactement – ont déjà été libérés dans des villes américaines parce qu’ils attendaient leur audition [images de gens descendant d’une camionnette, d’un grand hall vide, d’alignements de chaises et de quelques personnes assises à une table dans le hall]. Les sénateurs républicains ont descendu en flammes le secrétaire à la Sécurité intérieure Alejandro Mayorkas qui ignorait le nombre de ces migrants.

Le reportage enchaîne sur un échange verbal entre le secrétaire Alejandro Mayorkas et le sénateur républicain Ron Johnson lors d’une audience au Sénat américain. On voit le sénateur tempêter contre le secrétaire incapable de fournir immédiatement le nombre de migrants en cause. Puis le journaliste a le commentaire ci-dessous.

[Traduction]

Tom Walters : Mais l’administration Biden a également été sévèrement critiquée par des membres de son propre parti. Pour cette raison : l’image embarrassante de gardes-frontières à cheval chargeant des migrants.

Ce commentaire accompagne une séquence vidéo montrant une patrouille de deux gardes-frontières à cheval au bord de l’eau. Deux personnes, vraisemblablement des migrants haïtiens, se tiennent debout dans l’eau, et une troisième court dans l’eau, s’éloignant apparemment des policiers. Cette séquence est suivie d’un cliché montrant un policier à cheval qui tient ses rênes en l’air face à un groupe de six migrants haïtiens portant des sacs en plastique contenant leurs affaires, puis d’un cliché présentant plusieurs policiers à cheval se dirigeant vers des migrants haïtiens debout dans l’eau.

Des images d’un membre démocrate du Congrès prenant la parole en conférence de presse suivent cette séquence.

[Traduction]

La représentante Ayanna Pressley en conférence de presse : Nous nous élevons contre la façon cruelle, inhumaine et carrément raciste dont sont traités nos frères et nos sœurs d’Haïti à la frontière sud.

Tom Walters : Également condamné par la Maison-Blanche aujourd’hui.

La porte-parole de la Maison-Blanche Jen Psaki en conférence de presse : La terrible vidéo d’agents à cheval de CBP1, à cheval et utilisant des méthodes brutales et déplacées contre des innocents.

Tom Walters : L’administration Biden a promis une immigration plus ordonnée et plus humaine. Et cette toute dernière crise à la frontière montre le long chemin à parcourir avant d’en arriver là. Lisa ?

Lisa Laflamme : Parfait. Tom Walters à Washington ce soir. Merci, Tom.

Une téléspectatrice a vu ce reportage à CJOH-DT (CTV Ottawa) et a déposé une plainte le 28 septembre. Dans sa plainte, elle déclare que le commentaire d’introduction [traduction] « des gardes-frontières se servant de leurs rênes comme de “fouets” est manifestement faux » et que CTV [traduction] « s’est contenté de répéter bêtement les mensonges véhiculés par les médias américains traditionnels ». Elle ajoute que le reportage lui-même [traduction] « dénigre le travail des policiers qui patrouillent à la frontière américaine en s’efforçant de faire le travail pour lequel le gouvernement américain les paient » et suggère que CTV devrait rectifier son reportage mensonger.

Dans sa réponse du 5 novembre, CTV conteste la description de son reportage que fait la plaignante. Le télédiffuseur fait valoir que ce sont [traduction] « la Maison-Blanche et des chefs de file du Congrès américain qui ont qualifié les tactiques des policiers de “brutales” et de “déplacées” » et que les photos du reportage sont une preuve explicite de gardes-frontières [traduction] « à l’attaque en tenant leurs rênes d’une manière menaçante ». CTV rappelle aussi que l’incident s’est bel et bien produit, qu’il n’a pas été inventé et qu’il fait l’objet d’une enquête du ministère américain de la Justice. Selon CTV, son reportage est [traduction] « un traitement juste et factuel d’événements qui ont eu lieu ».

La plaignante a déposé une demande de décision le 8 novembre. Elle dit être découragée par la réponse de CTV et fait remarquer qu’elle n’a jamais prétendu que l’événement proprement dit avait été inventé. Selon elle, le [traduction] « mensonge » se situe plutôt dans l’introduction du reportage, dans le commentaire sur le fait de se servir de rênes comme de fouets. Elle précise que [traduction] « le photographe qui a pris les clichés a déclaré qu’à aucun moment les gardes-frontières n’avaient utilisé leurs rênes comme des fouets contre les gens sur le terrain » et soutient que CTV a abusivement présenté cette histoire sous un angle racial, comme l’ont fait la majorité des médias américains traditionnels. Elle déplore ce genre de reportage qui a pour effet d’encourager les fractures sociales et d’inciter les gens à se méfier des médias incapables de faire leur travail de remise en question et d’analyse des personnes au pouvoir.

CTV a remis ses commentaires finaux au CCNR le 6 janvier 2022. Le télédiffuseur précise qu’il n’a jamais dit que les fouets avaient été utilisés contre des réfugiés, mais seulement que des témoins avaient vu des gardes-frontières charger des migrants en se servant de leurs rênes comme de fouets. De l’avis de CTV, il appartient aux téléspectateurs de tirer leurs propres conclusions au vu des séquences. Le télédiffuseur rappelle que les actes des gardes-frontières ont été condamnés par des législateurs américains, par la Maison-Blanche et par des témoins visuels, et que les ministères américains de la Justice et de la Sécurité intérieure ont ouvert une enquête à cet égard. (La correspondance complète figure dans l’annexe, en anglais seulement.)

LA DÉCISION

Le comité décideur anglophone du CCNR a étudié la plainte à la lumière des dispositions suivantes du Code de déontologie de l’Association canadienne des radiodiffuseurs (ACR) et du Code de déontologie journalistique de l’Association des services de nouvelles numériques et radiotélévisées du Canada (ASNNR).

Code de déontologie de l’ACR, article 5 – Nouvelles

(1) Il incombe aux radiotélédiffuseurs de présenter les nouvelles avec exactitude et impartialité. Ils doivent s’assurer que les dispositions qu’ils ont prises pour obtenir les nouvelles leur garantissent ce résultat. Ils doivent aussi faire en sorte que leurs émissions de nouvelles n’aient pas le caractère d’un éditorial.

(2) Les nouvelles portant sur un sujet controversé ne seront pas choisies de façon à favoriser l’opinion de l’une des parties en cause aux dépens de l’autre non plus que de façon à promouvoir les croyances, les opinions ou les vœux de la direction, du rédacteur des nouvelles ou de toute autre personne qui les prépare ou les diffuse. En démocratie, l’objectif fondamental de la diffusion des nouvelles est de faciliter au public la connaissance de ce qui se passe et la compréhension des événements de façon à ce qu’il puisse en tirer ses propres conclusions.

Code de déontologie journalistique de l’ASNNR, article 1.0 – Exactitude

Nous nous engageons comme journalistes à fournir des informations exactes et fiables dans l’intérêt public. Nous vérifions les faits et les présentons en contexte.

[...]

1.3 Toute erreur ou inexactitude risquant de fausser la compréhension d’une nouvelle sera rectifiée sans délai et sans ambigüité.

Code de déontologie journalistique de l’ASNNR, article 2.0 – Impartialité

Nous nous engageons à servir l’intérêt public avec objectivité et impartialité, en présentant différents points de vue avec franchise et ouverture d’esprit eu égard à la diversité qui définit la société.

2.1 Impartialité et pondération exigent que nous ne laissions pas nos opinions personnelles influencer nos reportages. Nous analyserons les événements et les enjeux publics et les mettrons en contexte, toutefois nous nous garderons d’exprimer des commentaires, opinions ou interprétations des faits dans le cadre de la couverture régulières des nouvelles.

Code de déontologie journalistique de l’ASNNR, article 5.0 – Respect

Les journalistes se montrent toujours respectueux et tiennent compte en tout temps de la pertinence d’un récit pour l’intérêt public.

[...]

5.4 Nous éviterons le sensationnalisme.

Les membres du comité ont lu toute la correspondance afférente et ont visionné le reportage en question. Le comité conclut à l’unanimité qu’il n’y a pas d’infraction à l’article 5 du Code de déontologie de l’ACR ou à l’article 1.0 du Code de déontologie journalistique de l’ASNNR au motif d’inexactitude. Toutefois, il conclut majoritairement à l’absence d’infraction à l’article 5 du Code de déontologie de l’ACR, à l’article 2.0 ou à l’article 5.4 du Code de déontologie journalistique de l’ASNNR au motif de partialité ou de subjectivité, un des membres ayant exprimé sa dissidence car il estimait que l’introduction du reportage tombait dans le sensationnalisme.

Les questions soumises au comité sont les suivantes.

Importante inexactitude dans le reportage

Comme nous l’avons vu plus haut, la plaignante a admis que CTV avait diffusé une histoire valable et que sa plainte visait uniquement le passage de l’introduction de Lisa Laflamme « en se servant de leurs rênes comme de fouets ». Le CCNR a déjà dû envisager dans d’anciennes décisions la possibilité que de mauvaises interprétations factuelles soient suffisamment importantes pour constituer une infraction aux codes.

Le seuil à cet égard a été franchi dans CITV-TV concernant You Paid For It! (Immigration) (Décision CCNR 95/96-0088, 16 décembre 1997), lorsque le télédiffuseur avait négligé de faire l’importante distinction entre les immigrants et les réfugiés dans un reportage nécessitant qu’une telle distinction soit faite. En conséquence, le comité a conclu que le télédiffuseur avait failli à sa mission d’informer le public de façon précise, complète et équilibrée et a déclaré :

le manquement de CITV va au delà d’un seul manque de « rigueur ». Le reportage sur les dépenses gouvernementales dans le domaine de l’immigration a confondu argents consacrées aux immigrants, soit les étrangers acceptés au Canada dans l’espoir qu’ils stimuleront la croissance économique du pays, et argents accordées aux réfugiés, soit les individus accueillis au Canada par compassion. Cette confusion des sommes déboursées aux deux groupes, à laquelle s’ajoutait la déclaration d’un critique du ministère des Finances qui [traduction] « ne croit pas que plusieurs des factures payées par le ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration soient rentables » a donné un caractère trompeur à la nouvelle. L’effet global a été de caractériser tous les nouveaux arrivants au Canada de « profiteurs ».

[…]

Selon le Comité, le problème ici est que le rapport a été astucieusement présenté de manière à suggérer que la politique d’immigration du gouvernement ne résiste pas à l’examen économique en incorporant des faits sur les réfugiés sans le dire clairement. Le Comité ne croit pas que cette confusion entre dépenses liées à l’immigration et dépenses liées aux réfugiés ait été faite par inadvertance; il craint plutôt que la journaliste ait tenté de déformer délibérément les faits pour donner plus de poids à son histoire ou qu’elle n’ait pas fait suffisamment de recherches préparatoires pour son reportage d’enquête. Bien que le député ait délibérément pu fausser sa réponse pour des raisons politiques, la journaliste a soit manqué cette contorsion, soit été complice de ses effets.

Dans une autre décision ayant confirmé une importante inexactitude, CIII-TV (Global Television) concernant First National News (Conférence des premiers ministres) (Décision CCNR 96/97-0246, 26 février 1998), le comité a conclu que le télédiffuseur avait déformé une déclaration du premier ministre du Québec, Lucien Bouchard. Dans ce reportage, M. Bouchard aurait déclaré que la conférence des premiers ministres sur l’unité nationale prévue à Calgary était un processus [traduction] « voué à l’échec avant même qu’il ne débute ». En réalité, la phrase complète du premier ministre était : [traduction] « Si on entame ce nouveau processus [...] avec l’idée que 65 pour cent des Québécois sont fédéralistes, eh bien, il est voué à l’échec avant même qu’il ne débute ». Le comité a conclu :

Le choix de Global Television dans ce reportage ne remplit pas ce critère. Peu importe l’opinion sur l’attitude du Premier ministre Bouchard envers l’unité nationale, un reportage d’informations ne devrait pas déformer ses paroles pour qu’elles reflètent l’opinion d’un journaliste ou d’un directeur de l’information sur la position politique de M. Bouchard. Comme le prescrit le Code, « l’objectif fondamental de la diffusion des nouvelles est de faciliter au public la connaissance de ce qui se passe et la compréhension des événements de façon à ce qu’il puisse en tirer ses propres conclusions. » En enlevant la première partie de la phrase du premier ministre, soit [traduction] « Si on entame ce nouveau processus, qui n’est pas un processus essentiellement nouveau, avec l’idée que 65 pour cent des Québécois sont fédéralistes », Global n’a pas dit à son auditoire ce qui se passait réellement. En laissant uniquement « voué à l’échec avant même qu’il ne débute », Global a usurpé le droit démocratique du public d’en arriver à ses propres conclusions. Le montage, non pas d’une interview mais d’une seule phrase, a eu pour effet de déformer le sens de la remarque du premier ministre et d’enfreindre l’exigence de présenter des nouvelles « d’une manière complète, juste et appropriée ». En effet, Global a utilisé la remarque du premier ministre Bouchard, que celui-ci avait faite dans un seul et unique but – pour commenter la position que 65 pour cent des Québécois avaient voté pour des partis fédéralistes lors des dernières élections – à une autre fin, à savoir que toute conférence des premier ministres sur l’unité nationale qui pouvait être proposée était vouée à l’échec.

Dans son analyse de deux reportages concernant la sécurité aux Falaises de Scarborough, le CCNR a conclu dans CIII-TV (Global Ontario) concernant des reportages de Global News (« Danger aux Falaises ») (Décision CCNR 05/06-0500, 18 mai 2006) que l’erreur d’identification d’un lotissement était une importante inexactitude, donc une infraction :

Là où, par exemple, le télédiffuseur a affirmé que [traduction] « cette propriété appartient à Newton Trelawney Management », il semblerait que le reportage soit erroné. Comme l’a expliqué la plaignante, cette propriété [traductions] « appartient collectivement aux propriétaires des unités, lesquels font partie d’un syndicat de copropriétaires qui est gouverné par un conseil d’administration bénévole dont les membres servent la collectivité dans leur temps libre, sans aucunement être rémunérés. » Le Comité prend pour acquis qu’on aurait pu facilement vérifier cette affirmation factuelle avant la diffusion de l’émission. S’il n’était pas possible d’effectuer une telle vérification, on risquait l’inexactitude en faisant cette affirmation [...].

Le CCNR a étudié des reportages concernant une enseignante du secondaire, accusée d’avoir tenu des propos déplacés de nature sexuelle avec un élève de 16 ans dans CKCO-DT (CTV Kitchener) concernant un reportage diffusé à CTV News at Six (Conversation inconvenante) (Décision CCNR 14/15-1508, 7 avril 2016). Dans le premier reportage, diffusé au bulletin de 18 h, on apprenait que les accusations avaient été retirées, la preuve n’étant pas suffisante pour justifier un procès. La journaliste a déclaré qu’un juge avait ordonné à l’enseignante de quitter son emploi. Le reportage s’est poursuivi avec des informations tirées de l’Exposé conjoint des faits, présenté à la cour avec le consentement de l’accusée et de la Couronne.

Au bulletin de 23 h 30, la station a légèrement modifié son récit en disant que, selon l’avocat de l’enseignante, celle-ci avait pris elle-même la décision de démissionner de l’Ordre des enseignantes et enseignants de l’Ontario. Le lendemain, CTV a diffusé un rectificatif en ces termes : il y a eu erreur dans le reportage diffusé dans le bulletin de 18 h, où il a été dit que le juge avait ordonné à l’enseignante de démissionner; en réalité, c’est elle-même qui a pris la décision de démissionner de l’Ordre des enseignantes et enseignants et cette démarche a joué un rôle important dans la décision du juge de retirer les accusations. Le comité a constaté une violation de l’article 1 du Code de déontologie de l’ASNNR et de l’article 5 du Code de déontologie de l’ACR pour avoir diffusé de l’information inexacte concernant la démission de l’enseignante, mais respecté les exigences du Code de déontologie de l’ASNNR en diffusant un rectificatif le lendemain. Le comité a conclu que le reste du reportage était juste et exact parce que :

il s’agissait d’accusations graves : une enseignante, c’est-à-dire une personne en situation d’autorité, aurait tenté d’exploiter sexuellement un mineur. La résolution d’une telle accusation était certainement une nouvelle d’intérêt pour le public et pour la communauté locale. Le comité note que le reportage comprenait des informations sur la procédure judiciaire qui ne donnent pas une très bonne impression de la plaignante. Il y avait peut-être d’autres façons de rapporter la nouvelle sans projeter sur la plaignante un éclairage aussi défavorable. Il reste que les radiodiffuseurs sont en droit de présenter leurs récits comme bon leur semble. Dans ce cas, on s’est servi d’informations consignées dans l’Exposé conjoint des faits pour faire comprendre qu’il y a eu des conversations déplacées, ce qui peut effectivement avoir donné une impression négative de la plaignante; cela ne constitue pas pour autant du sensationnalisme ou de la partialité.

Le comité qui a analysé un reportage de nouvelles sur le président des États-Unis Donald Trump dans CJOH-DT (CTV Ottawa) concernant un reportage à CTV National News (Enregistrement des entrevues de Bob Woodward avec Donald Trump) (Décision CCNR 20.2021-0062, 27 janvier 2021) a conclu majoritairement que la représentation inexacte de ce que Donald Trump avait en fait qualifié de [traduction] « canular » était une inexactitude significative qui enfreignait l’article 5 du Code de déontologie de l’ACR et l’article 1.0 du Code de déontologie journalistique de l’ASNNR :

[...L]e président Trump a eu ces commentaires sur le « canular » plus de six mois avant le reportage de CTV. Autrement dit, CTV a eu amplement le temps et l’occasion de procéder aux vérifications nécessaires et de s’assurer de l’exactitude factuelle de ces remarques qui faisaient en réalité référence aux efforts des démocrates visant à politiser la réponse du président à la pandémie.

L’essentiel du bulletin d’information de CTV n’est pas que le président Trump ait ou non qualifié le virus de la COVID-19 de « canular ». Il est plutôt d’attirer l’attention sur les conversations enregistrées entre Bob Woodward et le président qui attestent que ce dernier, même s’il connaissait la gravité de la pandémie, avait choisi de ne pas en faire état publiquement pour éviter de créer une panique au sein de la population américaine. Dans sa réponse à la plaignante, CTV a reconnu [traduction] « que l’affirmation entendue dans le reportage a été isolée de son contexte, qu’elle n’aurait pas dû y être intégrée et que la plaignante a raison quant au contexte original. » Selon CTV, l’erreur était accidentelle et il importe surtout de retenir de ce reportage que le président a sciemment gardé pour lui d’importantes informations médicales sur la COVID-19, ce qui est juste et exact.

Contrairement à CTV, la majorité des membres du comité estime que l’utilisation du mot « canular » dans le cadre de ce reportage représente une inexactitude significative. La correspondante ne parlait pas de l’utilisation faite par Donald Trump du mot « canular » le jour du reportage, mais bien des révélations sur la COVID-19 entendues dans l’entrevue de Bob Woodward avec le président. Étant donné que ce dernier avait utilisé le mot « canular » dans un contexte radicalement différent plusieurs mois auparavant, il incombait à la journaliste de s’assurer que l’utilisation de ce mot était effectivement juste dans le cadre du bulletin d’information. Le comité convient avec CTV que le reportage n’aurait pas dû contenir de référence à un « canular ». Le mot n’ajoutait certainement rien au contenu de la nouvelle. […]

L’étiquette de « canular » renforce une impression négative du traitement présidentiel accordé à la pandémie dans la mesure où ce mot n’est pas l’idée maîtresse du reportage. À notre époque politiquement chargée, le comité estime majoritairement que l’utilisation hors contexte du mot « canular » pour prouver la négligence du président Trump à l’égard de la pandémie représente réellement une inexactitude significative. L’ajout du mot « canular » à la déclaration de Donald Trump affirmant qu’il avait minimisé la gravité de la pandémie pour éviter toute panique donne non seulement une tout autre saveur au reportage et une image très différente de l’entrevue, mais il crée tous les éléments d’une inexactitude significative.

L’examen de deux bulletins d’information portant sur un organisme sans but lucratif n’a pas conclu à une violation des codes. Dans CHAN-TV concernant un bulletin de nouvelles (Société de recyclage) (Décision CCNR 96/97-0004, 10 mars 1997), le télédiffuseur interviewait une des deux personnes qui avaient signé une note de service alléguant des abus de la part de l’organisme ainsi que l’un de ses cadres. Ce reportage portait essentiellement sur le traitement des employés handicapés au sein de cet organisme. Le second reportage était axé principalement sur les questions de mauvaise gestion financière; au cours de ce reportage, le journaliste interviewait un autre cadre de l’organisme et a discuté des ressources financières de l’organisme, laissant entendre qu’il y avait des irrégularités financières liées, entre autres, aux salaires payés aux employés et aux sources des fonds de l’organisme. Sur l’ensemble, du point de vue de la plaignante, le compte rendu était malveillant, partial et destructeur. Le comité a conclu que les reportages ne respectaient pas entièrement les normes de fournir « une information précise, complète et juste », mais a ajouté

[I]l était du devoir de la station d’assurer qu’elle avait en sa possession tous les renseignements requis pour rapporter de façon objective, compréhensive et juste d’autant plus qu’elle-même déterminait qui interroger. Sur cette question, le Conseil considère que la station et son journaliste n’ont pas réussi en tous points à respecter ces normes, bien qu’il ne croit pas que la violation était de nature à enfreindre le Code. Le Conseil est d’avis que la principale faute du journaliste avait trait aux questions financières soulevées dans le bulletin de nouvelles. Il existe, par exemple, une différence entre des « subventions » et des « contrats pour services rendus ». Le Conseil n’est pas d’accord avec la justification de l’équivalence, par le télédiffuseur, d’un terme pour l’autre, comme étant [traduction] « un recours au jargon pour conférer une signification directe. » Le terme « subvention » n’est pas du jargon. Il possède un sens bien connu et une implication de la largesse du gouvernement. Il offre une justification inhérente pour une discrète absence de surveillance des activités d’un organisme qui bénéficie d’une telle générosité. Il semble, cependant, que la Société avait gagné son argent, qu’elle avait bel et bien rendu des services pour lesquels elle avait été rémunérée. Cela n’implique pas qu’il est possible de faire ce qu’on veut, et l’enquête était justifiée. Le journaliste aurait dû, toutefois, surveiller la façon dont il employait ces termes. Les mots, après tout, sont son métier.

[...]

[Le journaliste] a ensuite fait une remarque sarcastique et apparemment non justifiée que le salaire de « l’équipe administrative avait augmenté de 12 pour cent, ce qui se traduit apparemment à 2 pour cent ». Il semblait au Conseil que le journaliste lisait une entrée d’un budget et qu’il en extrapolait une conclusion que chaque salaire administratif pouvait avoir augmenté d’en moyenne 12 pour cent plutôt que de voir que l’ensemble des salaires administratifs pouvait avoir augmenté de ce montant, ce qui est essentiellement l’information fournie par la directrice exécutive dans son interview et dans la lettre qu’elle a acheminée.

Il est, bien sûr, éminemment important qu’elle ait eu l’occasion de faire enregistrer ses commentaires et qu’elle puisse présenter son point de vue, mais en visionnant et en visionnant la la cassette, les membres du Conseil croient que les eaux ont été suffisamment troublées par le journaliste de par la façon confuse et trop sarcastique qu’il a choisie de présenter la question.

Finalement, le Conseil considère que le journaliste, la direction des informations ainsi que le télédiffuseur auraient dû faire preuve d’une plus grande vigilance dans la façon dont ils ont présenté cette nouvelle qu’ils avaient toute raison de présenter au public. Chaque commentaire inapproprié ou fait par inadvertance n’enfreint pas les divers codes de radiodiffusion. Voici un exemple d’un cas où il n’y a pas de violation mais où le Conseil aurait souhaité que le télédiffuseur ne se soit pas tant approché de la limite.

Le comité qui a analysé un reportage sur des détecteurs de monoxyde de carbone a conclu, dans CTV concernant un reportage (alarmes de CO) (Décision CCNR 98/99-0475, 19 novembre 1999, à « un exemple de journalisme à la limite de l’acceptable » sans toutefois conclure à une violation des normes de radiodiffusion.

Concernant le reportage de CTV, le Conseil est aux prises avec certaines difficultés. D’une part, le Conseil ne trouve pas que le reportage était irréprochablement exact, ce qui aurait dû être le cas. L’inclusion de locutions déclaratives telles [traduction] « observé par le bureau ontarien de prévention des incendies » en est un bon exemple. Que le professeur de Seneca qui a effectué le test travaille également pour le bureau ontarien de prévention des incendies est loin de suffire à appuyer l’affirmation que le bureau en question se penchait officiellement sur le dossier, ce qui est précisément ce que sous-entend le reportage. Cette phrase fut sans doute incluse afin de conférer une certaine crédibilité à la nouvelle lorsque, sur ce point, le Conseil est incertain quant au mérite de cette conclusion.

De même, le Conseil remet en question la pertinence de l’utilisation de la locution [traduction] « des semaines de tests », qui sous-tend une certaine fiabilité scientifique, pour décrire cette soi-disant « nouvelle étude », dont les résultats étaient présentés par CTV. […]

Aucune description ou énoncé relativement à la méthodologie du testing ne furent fournis à l’auditoire de CTV dans le cadre de ce reportage. On ne fournit aux téléspectateurs aucun renseignement concret sur la nature du testing qui aurait pu aider les téléspectateurs à juger de l’impeccabilité du reportage. […] De plus, rien dans la réplique de CTV à la plainte ne rend nul l’affirmation que les soi-disant « tests » ont pu être rien de plus qu’une démonstration en classe, tel que le plaignant le présume. Voici ce que CTV avait à dire.

[Traduction]

Afin de présenter cette histoire, une équipe des nouvelles de CTV a fait des recherches pendant plusieurs semaines et a su que les tests avaient été réalisés au Seneca College au cours des mois de janvier et février. Vingt-six détecteurs de monoxyde de carbone, offerts aux consommateurs dans la Région du Grand Toronto, ont été soumis à des tests de conformité aux normes canadiennes. L’équipe des nouvelles de CTV a parlé directement aux personnes qui ont effectué les tests, dont un professeur de Seneca College et un expert indépendant, et a obtenu une copie des résultats des tests, à partir desquels le reportage a été réalisé. Nous croyons que ce reportage est exact quant aux faits.

CTV a eu l’occasion, dans sa propre lettre et sans les contraintes de temps qu’inflige un reportage télévisé, d’être explicite au sujet du caractère sérieux et de la fiabilité des tests effectués au Seneca College, ce qui aurait rassuré le Conseil (sinon le plaignant) à l’égard du reportage en ondes sur ces tests. CTV n’en a pas profité. Une fois de plus, la terminologie utilisée par le réseau, soit le terme « testing », sans détermination ni restriction, suggérait un degré de fiabilité plus élevé que celui qui semble avoir été mérité.

Un comité du CCNR a étudié un reportage au sujet de la loi canadienne sur les armes à feu où le journaliste avait affirmé qu’il était très facile de se procurer des armes puissantes malgré le programme d’enregistrement des armes à feu en place au Canada dans TQS concernant un reportage diffusé dans le cadre du Grand Journal (« Mitrailleuse par la poste ») (Décision CCNR 05/06-0785 et -0800, 30 juin 2006). Deux plaignants ont avancé que le reportage a présenté des renseignements inexacts et trompeurs au sujet des lois canadiennes sur les armes à feu et des armes qui ont été effectivement été montrées dans le cadre du reportage; qu’il donnait l’impression que tous ceux qui possèdent une arme à feu sont des tueurs en série éventuels; et qu’il a porté atteinte à la réputation d’un détaillant d’armes à feu. Le comité du CCNR a estimé que le reportage avait « sensiblement déformé » l’information, mais qu’il ne contenait techniquement pas de déclarations inexactes.

Le Comité considère que le message véhiculé était que n’importe qui peut très facilement se procurer une arme à feu militaire sérieuse, lourde et dangereuse, ainsi que les balles ou les chargeurs, et que même une personne âgée de 14 ans peut s’en procurer.

Le Comité estime que pour créer cette impression, le journaliste a sensiblement déformé les faits. Son information était floue, pas nettement définie. L’astuce consiste en la façon dont il a tissé l’étoffe de son argument. Du point de vue technique, la plupart des éléments, pris séparément, étaient exacts, ou au mieux non inexacts. En juxtaposant des éléments qui ne sont pas censés être liés de la façon qu’il les a liés, [le journaliste] M. Lester a pu donner une impression qui était, dans un sens composé ou global, quelque peu déformée.

[…]

[...] [L]e Comité regrette que M. Lester ait fait un usage quelque peu déformé et libre de la terminologie exacte pour illustrer son point. Comme il a admis dans la lettre de TQS, des permis de chasse aux canards et aux écureuils n’existent pas au Canada. Il a ensuite expliqué qu’un aspect de toute évidence matériel de son reportage, soit celui se rapportant à l’âge auquel l’on peut obtenir un permis, [traduction] « n’a rien à voir avec le sujet du reportage, lequel ne se rapportait pas à l’âge d’acquisition d’une arme à feu au Canada. » Son explication pour l’emploi de tels termes : [traduction] « je ne faisais qu’illustrer mon sujet. » Sa justification : [traduction] « Le journalisme emploie souvent des formules succinctes et colorées dans les phrases-chocs. » Le Comité n’est pas d’accord. L’emploi de couleur peut beau être très bien. Les formules succinctes et concises peuvent beau être très bien. Les moyens illustratifs peuvent beau être très bien. Les propos qui manquent de pertinence et qui sont trompeurs ne le sont pas. C’est un emploi regrettable dénotant des pratiques moins rigoureuses que celles qui sont d’usage dans l’exercice du journalisme sérieux. Ceci étant dit, le Comité n’est pas d’avis, pour les raisons expliquées en détail plus haut, qu’une déclaration quelconque dans ce reportage soit matériellement incorrecte ou que la perspective d’ensemble qu’il communique soit matériellement trompeuse. Le Comité aurait souhaité que le journaliste ait réfléchi davantage à sa présentation, mais en vient à la conclusion qu’il n’y a pas eu de violation des normes codifiées citées plus haut.

Le CCNR a examiné deux reportages au sujet de la décision prise par le Parlement de voter en vue de rejeter la prolongation de certaines mesures antiterroristes dans CTV Newsnet concernant deux reportages intitulés « Mesures antiterroristes rejetées au vote » (Décision CCNR 06/07-0745, 29 novembre 2007). Le premier de ces reportages consistait en une entrevue d’un ancien agent du SCRS par le chef d’antenne de CTV, Dan Matheson, lequel a posé des questions à cet agent au sujet des implications de la décision du gouvernement et, à un point dans l’entrevue, le chef d’antenne a fait le commentaire suivant : [traduction] « On peut arrêter un gars pour présomption, le détenir indéfiniment, le forcer à témoigner. Cette façon d’agir n’est pas très canadienne du point de vue de bien des gens. » Le deuxième reportage consistait en une entrevue, effectuée par une autre chef d’antenne avec un représentant d’Amnistie internationale Canada. La chef d’antenne avait déclaré que les dispositions antiterroristes qui ont été rejetées au vote [traduction] « ne sont que rarement utilisées de toute façon. » Un téléspectateur s’est plaint que ces reportages présentaient des renseignements inexacts : la loi ne permet pas aux autorités de détenir une personne « indéfiniment » et les dispositions n’ont jamais été utilisées, par opposition à « rarement utilisées ». Il a également prétendu que ces erreurs laissent voir le parti pris de CTV contre le gouvernement des Conservateurs. Le comité a conclu qu’aucun des deux reportages n’enfreignait les codes, mais que le premier comportait certains problèmes.

Le Comité trouve que l’approche choisie par le chef d’antenne n’était pas orientée avec précision; elle affichait un caractère très insouciant et n’avait rien de la rigueur à laquelle l’auditoire a le droit de s’attendre de la part d’un chef d’antenne. Il ne devrait pas non plus être permis à un chef d’antenne de s’appuyer (comme le représentant du télédiffuseur a déclaré dans sa lettre) sur [traduction] « [l]’attente […] que les invités fourniront les faits et les éclaircissements et corrigeront, si nécessaire, toute idée fausse. » Bien qu’il soit effectivement juste de s’attendre à ce que les spécialistes interviewés fournissent des faits, ceux-ci doivent être donnés en réponse à des questions plutôt qu’à des affirmations apparemment factuelles de la part du chef d’antenne. Et dans ce sens, il ne devrait pas non plus y avoir des idées fausses à corriger. Il revient au chef d’antenne de poser des questions et non d’offrir des concepts factuels qui sont susceptibles d’être corrigés.

En ce qui concerne le deuxième reportage et l’utilisation du mot « rarement » au lieu de « jamais », le comité a déclaré ce qui suit :

Outre le fait que le CCNR n’a pas fait de recherches sur la question afin d’établir si les dispositions avaient servi à un moment donné, le Comité n’est pas d’accord avec l’aspect matériel de la prétention du plaignant selon laquelle les termes « rarement » et « jamais » sont en effet diamétralement opposés. De l’avis du Comité, les deux termes laissent entendre une chose qui se produit fort peu fréquemment. La seule question étant, dans un sens, celle d’en quantifier son degré [...]. [...] Cela est non substantiel, une distinction sans différence, un emploi prudent des mots par une chef d’antenne qui n’est pas certaine d’avoir raison en utilisant « jamais » plutôt que « rarement ». Elle a opté pour la bifurcation la plus sûre et n’a par conséquent aucunement trompé qui que ce soit d’une manière substantive quelconque. Il n’y a aucune infraction au Code à cet égard.

Dans une autre décision du CCNR concernant deux reportages de nouvelles distincts, CIVT-TV (CTV de la Colombie-Britannique) concernant des reportages diffusés dans le cadre de CTV News at 11:30 (costumes en fourrure de loup-marin et déversement de pétrole) (Décision CCNR 08/09-1660, 24 septembre 2009), un téléspectateur (lequel a indiqué qu’il est un journaliste) s’est plaint que deux reportages de nouvelles distincts contenaient des éléments trompeurs. Dans le premier reportage, il était indiqué que par suite de l’interdiction imposée par l’Union européenne sur les produits canadiens dérivés du loup-marin, des personnes politiques avaient adopté une motion en vue d’intégrer des produits dérivés du loup-marin aux costumes des athlètes canadiens participant aux Jeux Olympiques d’hiver de 2010. On notait également dans ce reportage qu’étant donné que la conception des costumes avait déjà été faite et que le Comité olympique canadien l’avait approuvée, il était peu probable que la motion ait un effet. Le plaignant a effectué une analyse mot par mot du reportage pour souligner ce qui selon lui était inexact et sensationnaliste. Il a fait valoir que la motion se rapportait aux « vêtements » olympiques en général et non pas aux costumes et qu’elle avait été présentée par un seul député fédéral et non par des personnes politiques (au pluriel). Le comité a écarté toute infraction au motif de sensationnalisme ou d’inexactitude et il a eu les commentaires ci-dessous.

En général, le Comité considère que le plaignant s’est employé à couper les cheveux en quatre. De l’avis du Comité, c’est la forêt plutôt que les arbres qui importe bien plus pour les téléspectateurs. Sur ce plan plus large, le Comité ne trouve pas le reportage matériellement inexact, fallacieux ou même trompeur. Pour en arriver à cette conclusion, le Comité accorde un certain poids à un mot utilisé par le plaignant lui-même à plusieurs reprises dans ses lettres des 8 et 22 mai, notamment contexte. Le point de départ se situe dans l’idée que la motion est une motion et non pas une loi, autrement dit la formulation d’un principe ou d’une orientation plutôt que le produit législatif d’une déclaration de politique. Il y a tout un monde de différence entre les deux.

[...]

On ne peut nier qu’il a utilisé le terme vêtements dans la motion, alors que quelques minutes plus tôt il avait dit costumes. Le Comité considère que cela est probablement attribuable au fait qu’on n’ait pas fait très attention au libellé ou possiblement au fait que le proposeur de cette politique ne voyait aucune distinction substantielle entre les deux termes. Pas plus que les téléspectateurs de CIVT-TV n’en verraient, de l’avis du Comité. Le Comité est d’avis qu’en choisissant le mot « costumes » plutôt que « vêtements », le télédiffuseur faisait un effort raisonnable de communiquer l’intention du proposeur et du Parlement unanime. De l’avis du Comité, c’était là une interprétation des plus logiques des débats sur la question. C’était le chemin de la prudence et de la réflexion. C’était le langage le mieux en mesure de donner aux téléspectateurs une interprétation raisonnable de l’optique du Parlement.

Si le comité a estimé dans la décision ci-dessus que le reportage était peut-être un peu désinvolte, il n’a pas jugé qu’il était fondamentalement inexact ou trompeur ou qu’il tombait dans le sensationnalisme, notamment parce qu’il faisait valoir que l’effet de la motion serait nul puisque les costumes olympiques des athlètes canadiens avaient déjà été approuvés.

La décision du comité

Le comité a soigneusement passé en revue la correspondance et la bande témoin fournies par CTV relativement à la présente affaire. Les faits présentés dans le reportage de Tom Walters sont exacts à tous égards. Ni la formulation, ni les éléments visuels du reportage n’indiquent ou n’insinuent d’une façon ou d’une autre que les gardes-frontières à cheval ont utilisé leurs rênes pour fouetter les migrants qui tentaient d’entrer au pays. La façon dont la police à cheval des frontières américaines a traité les migrants est devenue une actualité extrêmement chargée et politisée. Ce reportage a été largement diffusé sur toutes les plateformes médiatiques et l’histoire a beaucoup évolué après sa première diffusion. Quoi qu’il en soit, le comité est persuadé que ni les éléments parlés, ni les éléments visuels de ce reportage ne disent ou ne montrent que des rênes ont servi à frapper ou à fouetter des migrants.

Certains éléments visuels montrent-il des rênes fouettant l’air? Absolument. Des éléments visuels montrent-ils des gardes-frontières à cheval chargeant des migrants? Encore une fois, oui. En revanche, rien dans ce reportage ne laisse entendre que des rênes ont été utilisées comme des fouets contre les migrants.

Ayant conclu à l’exactitude des faits présentés dans le reportage, le comité s’est ensuite demandé si l’introduction de la chef d’antenne contenait une inexactitude significative. Les bulletins de nouvelles comprennent de nombreux éléments dont des accroches, des annonces, des manchettes, des introductions et les sujets à proprement parler. Règle générale, les accroches, les annonces, les manchettes et les introductions visent à conserver intact l’intérêt de l’auditoire, à l’entraîner dans le segment d’un bulletin de nouvelles en l’informant de ce qui vient et à s’assurer qu’il reste à l’écoute. Les accroches, les annonces, les manchettes et les introductions donnent habituellement peu de contexte car c’est le récit de la nouvelle lui-même qui doit fournir le contexte. La chef d’antenne de CTV a présenté l’introduction suivante :

[Traduction]

La crise humanitaire qui se déroule à la frontière des É.-U. et du Mexique s’aggrave de jour en jour pour les milliers de migrants haïtiens qui vivent sous un pont depuis plus d’une semaine. Ce soir, de nouvelles vidéos effrayantes montrent des agents à cheval de la police des frontières qui chargent des migrants en se servant de leurs rênes comme de fouets. Un reportage de Tom Walters, CTV.

Sur la base des éléments parlés et visuels du reportage, il est juste sur le fond de dire dans l’introduction que des agents à cheval de la police des frontières américaines ont chargé des migrants en se servant de leurs rênes comme de fouets. En fait, les gardes-frontières ont utilisé leurs rênes entre autres pour fouetter l’air. Les rênes servent normalement à diriger les chevaux par l’intermédiaire du mors placé dans la bouche de l’animal, mais elles peuvent aussi servir de fouets pour obtenir des réactions plus rapides des chevaux – une technique utilisée lorsque le cheval se montre hésitant en présence de groupes de personnes.

Une introduction est par définition brève, incisive et ne fournit pas un contexte intégral. Il est donc possible que quelqu’un ait pu présumer que celle-ci laissait entendre que des gardes-frontières américains s’étaient servis de leurs rênes pour fouetter des migrants, mais la chose n’est jamais clairement dite dans le reportage ou dans son introduction. Une introduction n’a pas à présenter tous les éléments du reportage qui suit. Comme nous l’avons dit plus haut, elle a pour objectif de présenter une nouvelle de manière à conserver intact l’intérêt des téléspectateurs et à s’assurer que ceux-ci écoutent la totalité du reportage. CTV a choisi l’élément le plus à même de captiver et d’entraîner le téléspectateur dans la nouvelle. La pratique est courante et la façon dont CTV l’exerce dans ce contexte ne constitue pas une inexactitude, encore moins une inexactitude significative. Le reportage clarifie rapidement la façon dont les gardes-frontières ont utilisé leurs rênes.

L’essentiel du reportage tient à l’agressivité de la police américaine aux frontières à l’endroit des migrants. De l’avis du comité, quiconque a pu voir ce reportage et entendu son introduction a eu à sa disposition toutes les informations nécessaires pour juger si les gardes-frontières avaient agi de façon brutale et agressive, que des rênes aient ou non servi de fouets contre les migrants. En conséquence, le comité ne conclut pas que l’emploi de la formule « en se servant de leurs rênes comme de fouets » dans ce reportage constitue une importante inexactitude contrevenant à l’article 5 du Code de déontologie de l’ACR et à l’article 1.0 du Code de déontologie journalistique de l’ASNNR.

Partialité ou subjectivité du reportage

L’éventuelle partialité ou subjectivité du reportage examiné dans la décision CJOH-DT (CTV Ottawa) concernant un reportage à CTV National News (Enregistrement des entrevues de Bob Woodward avec Donald Trump) (Décision CCNR 20.2021-0062, 27 janvier 2021) citée plus haut a été envisagée. Toutefois, le comité a conclu dans ce dernier cas à une infraction à l’article 1.0 du Code de déontologie journalistique de l’ASNNR parce que le mot « canular » constituait une importante inexactitude, mais il n’a pas conclu que le reportage en question démontrait une partialité ou une inéquité à l’endroit du président Trump à la lumière de l’article 5 du Code de déontologie de l’ACR et de l’article 2.0 du Code de déontologie journalistique de l’ASNNR :

Pour ce qui est de la question de partialité et de l’iniquité, le CCNR a déjà expliqué que les journalistes des bulletins de nouvelles pouvaient critiquer des personnages politiques, des sociétés et des organismes. La présentation d’une personne ou d’un organisme sous un éclairage négatif ne s’apparente pas forcément à un parti pris.

[...]

Rien ne laisse présumer dans ce reportage que le traitement accordé au président Trump était intrinsèquement partisan ou injuste. Le reportage est centré sur les enregistrements de l’entrevue de Donald Trump menée par Bob Woodward et sur la décision du président de retenir d’importantes informations médicales concernant la COVID-19 afin d’éviter de créer une panique. Il est précis, pertinent, et la nouvelle méritait définitivement d’être couverte.

En appliquant ce précédent au cas présent et conformément aux précédentes décisions du CCNR à cet égard, le fait est que CTV a utilisé ce qui pourrait être vu comme une introduction ou une accroche séduisante, mais la réalité est que le reportage ne dit pas que des rênes ont servi de fouets contre les migrants même s’il démontre clairement que les gardes-frontières ont utilisé des méthodes musclées pour tenir les migrants à l’écart. Par ailleurs, le comité ne croit pas que CTV cherchait d’une façon ou d’une autre à donner une orientation tendancieuse à la nouvelle dans la mesure ou ni le reportage, ni l’introduction ne contiennent d’importantes inexactitudes. Ce segment de nouvelles a rapporté des faits tels qu’ils s’étaient produits et le comité ne pense pas que l’emploi de la formule « en se servant de leurs rênes comme de fouets » dénote une partialité ou une subjectivité contrevenant à l’article 5 du Code de déontologie de l’ACR ou à l’article 2.0 du Code de déontologie journalistique de l’ASNNR.

Sensationnalisme du reportage

Il ne fait guère de doute que la formule de la chef d’antenne « en se servant de leurs rênes comme de fouets » pourrait, tel qu’indiqué ci-dessus, être vue comme une accroche séduisante. Toutefois, le comité croit majoritairement que la phrase avait pour seul but de garder intact l’intérêt des téléspectateurs et de les inciter à regarder la totalité du reportage, d’autant que les faits rapportés dans l’introduction et dans le reportage sont exacts. Le comité conclut donc majoritairement que la formule « en se servant de leurs rênes comme de fouets » ne verse pas dans le sensationnalisme et ne contrevient pas à l’article 5.4 du Code de déontologie journalistique de l’ASNNR.

Opinion dissidente de J. Tiessen

J’estime que l’emploi de la formule « en se servant de leurs rênes comme de fouets » utilisée dans l’introduction exprime plutôt une hypothèse et qu’elle a eu pour effet d’alimenter inutilement une controverse publique. L’introduction aurait gagné à donner plus de contexte. Je crois que l’absence de contexte approprié a pu inciter des téléspectateurs à déduire que des rênes avaient effectivement été utilisées comme des fouets contre les migrants alors que ce fait est en réalité contesté dans le reportage.

Dans le cas présent, le télédiffuseur n’a pas jugé que la formule « en se servant de leurs rênes comme de fouets » versait dans le sensationnalisme une fois mise dans le contexte du reportage complet. Quelles que soient les informations mises en lumière à la suite de leurs reportages, les télédiffuseurs devraient être prudents lorsqu’ils décrivent un incident sur la base des faits à leur disposition au moment de la diffusion. Je ne suis pas persuadé que le télédiffuseur ait bien réfléchi à l’effet que pouvait provoquer cette introduction lorsqu’elle a été préparée pour la diffusion, ni qu’il l’ait bien jumelée à cette histoire.

En conséquence, je crois que la formule a donné un caractère sensationnaliste au reportage contrevenant à l’article 5.4 du Code de déontologie journalistique de l’ASNNR.

Réceptivité du télédiffuseur

Dans toutes les décisions rendues par le CCNR, ses comités évaluent dans quelle mesure le radiodiffuseur s’est montré réceptif envers le plaignant. Bien que le radiodiffuseur ne soit certes pas obligé de partager l’opinion du plaignant, sa réponse doit être courtoise, réfléchie et complète. Dans la présente affaire, CTV a répondu aux préoccupations de la plaignante et a offert son point de vue sur le choix des mots et des images du reportage. Ce télédiffuseur ayant rempli son obligation de se montrer réceptif, il n’y a pas lieu d’en exiger davantage de sa part.

La présente décision devient un document public dès sa publication par le Conseil canadien des normes de la radiotélévision.

1 Services des douanes et Protection des frontières.

APPENDIX

The Complaint

The CBSC received the following complaint via its webform on September 28, 2021:

Name of Television or Radio Station: CTV

Program Name: CTV National News

Date of Program: 22/09/2021

Time of Program: 10:00PM

Specific Concern:

On September 22, 2021 CTV News did what it does so frequently these days. It once again just parroted the lies told by the US mainstream media to the audience here in Canada. Anchor Lisa Laflamme introduced this fabrication of the US mainstream media by announcing to her audience “tonight horrifying new video shows border agents on horseback charging at the migrants using reins as whips.” Tom Walters ensuing “report” showcased Ayanna Pressley and the White House press secretary denigrating the work of the US border patrol agents attempting to do the job that the US government is paying them to do. Tom Walters wrapped up his rigorous report by commenting how far the US still has to go to live up to the promise of making immigration more orderly and humane. The report by CTV National News that these border patrol agents used their horse reins as “whips” is patently false. When will CTV News correct this false reporting by its journalists?

Broadcaster Response

CTV responded to the complainant on November 5:

We acknowledge receipt of your complaint to the Canadian Broadcast Standards Council regarding our coverage of the migrant crisis at the U.S. southern border on September 22, 2021.

We strongly disagree with your assertion that CTV News “parroted the lies told by the U.S. mainstream media.” In fact, as indicated in Tom Walters’ report, it was the White House and U.S. congressional leaders who labelled the border agents' tactics as “inappropriate” and “brutal.”

Moreover, the images themselves, as seen in Tom Walters’ report, provide photographic evidence – the uniformed border patrol agents are seen on horseback, chasing migrants, lashing out with their reins in a confrontational manner. The video was enough for the U.S. Department of Homeland Security to not only launch an investigation, but to also temporarily suspend horse patrols at the border.

This was a real event, with real consequences – not “lies” or a “fabrication” as you erroneously state in your complaint.

It’s also worth noting the incident is still the subject of a U.S. Department of Justice investigation in which criminal charges may be the outcome. We believe Tom Walters’ story, as well the introduction, was a fair and factual treatment of the events that occurred.

CTV News is a member in good standing of the CBSC and adheres to the Codes and guidelines administered by the Council.

Additional Correspondence

The complainant filed a Ruling Request on November 8:

I would ask that the CBSC review my complaint as the response from CTV is quite unacceptable. It is very disheartening to receive a response like the one I just received from [the Executive Producer National News & Network Specials, CTV News] in answer to my complaint of CTV’s patently false reporting of events on the southern border of the United States. But it certainly helps to clarify just why the journalists at that organization do such a terrible job of reporting the facts of current events. At no time did I imply in my letter, as [the Executive Producer] incorrectly stated in her response, that this “event” was a lie or fabrication. What I did say was that the border patrol agents did not use their reins as whips which is what anchor Lisa Laflamme incorrectly stated in her introduction to the story. That was the lie. That was the fabrication. It has been widely reported that the photographer who took the pictures has stated that at no time did the border patrol agents use their reins as whips against the people on the ground. It has also been widely reported that the riders were using their reins to control their horses. But as CTV and its reporters are accustomed to doing, they report many events improperly through a racial lens. This is what Tom Walters and Ms. Laflamme did with this story along with most of the mainstream media in the US. Unfortunately, this kind of reporting only serves to divide the society that CTV is there to serve. It is reporting like this that prompts the majority of people, according to surveys, to believe that the media lie to them in their reporting. Journalists are supposed to question and scrutinize those in power not parrot the latest propaganda coming from politicians and, in this case, the White House which is the opposite of what [the Executive Producer] appears to believe, based on her response to me. While pictures can often be worth a thousand words that is not the case with this story.

Once it confirmed that this file required adjudication, the CBSC provided CTV the opportunity to provide final comments. CTV did so on January 6:

With respect to the upcoming panel meeting on this file, we would like to provide the following information:

Here is Lisa LaFlamme’s introduction to Tom Walters’ story, which aired on September 22, 2021:

THE HUMANITARIAN CRISIS UNFOLDING AT THE U-S/MEXICO BORDER IS WORSENING BY THE DAY FOR THE THOUSANDS OF HAITIAN MIGRANTS WHO HAVE BEEN LIVING UNDER A BRIDGE FOR OVER A WEEK. TONIGHT HORRIFYING NEW VIDEO SHOWS BORDER AGENTS ON HORSEBACK CHARGING AT THE MIGRANTS USING REINS... AS WHIPS. CTV'S TOM WALTERS HAS THE DETAILS.

Definition of a whip: Strip of leather or length of cord, used for flogging or beating a person or for urging on an animal.

Nowhere in Lisa LaFlamme’s introduction – or in Tom Walters’ script – was it stated the whips were used on the refugees, even though the images support that assertion. The script only indicates that border agents were seen on horseback, charging at the migrants – using reins as whips. We do not specify if the whips were used on the migrants or on the horses. We left it up to viewers to decide, based on the footage aired. We only concluded that the border agents were on horseback and they charged at the migrants using their reins as whips – a logical conclusion based on the images in question, the condemnation of the border agents from U.S. lawmakers, the White House, eyewitnesses – and also, the fact that this incident resulted in an investigation by the U.S. Department of Justice and U.S. Homeland Security.